vendredi 21 mai 2010

Une visite chez le professeur Falgout

Après l’incandescence de ma nuit avec Evelyne, j’étais encore assoupi dans le désordre des draps quand celle-ci m’a susurré à l’oreille : « J’ai eu accès à certaines informations confidentielles qui te concernent et ont été rédigées par Falgout. Te plairait-il d’en avoir connaissance ?

- De quoi s’agit-il ? De mon dossier ?

- Oui, je l’ai piqué sur son ordi. Ne me demande pas comment j’ai fait.

- Avec la même habileté sans doute que celle avec laquelle tu m’as fourni un double des clés de l’entrée.»

Elle m’a tendu une clé USB que j’ai consultée après le petit-déjeuner. J’avais beau savoir ce que j’allais y trouver, la curiosité a été la plus forte.

Le « dossier », en fait une dizaine de feuillets recto-verso, mêlait sans surprise enquête diagnostique et impressions personnelles…

[…] Il est persuadé d’avoir trouvé quelque chose, ou bien d’être sur le point de trouver quelque chose. Il se croit un médecin, et au-delà même de la médecine, un grand chercheur capable d’innover. Constant dans son délire, il l’alimente en permanence à toutes les sources possibles […]

[…]D’après ce que nous pouvons savoir, il a dit la vérité sur sa compagne Olivia. C’était assurément une personne originale, en tout cas dotée d’une grande curiosité intellectuelle […]

[...] Ils semblaient tenir beaucoup l’un à l’autre . Est-il possible cependant qu’elle ait voulu se séparer de lui ? A-t-elle perçu quelque chose dans son comportement, des signes avant-coureurs d’un effondrement irrémédiable que, malgré son enthousiasme et ses « prescriptions », elle n’aurait pu l’aider à combattre ?

A-t-elle plutôt jugé qu’il s’appuyait trop sur elle ou qu’elle ne lui était plus utile ? Mais pourquoi disparaître de cette façon ? A-t-elle voulu le mettre à l’épreuve ? Ressurgira-t-elle ? A-t-elle souhaité lui transmettre un message subtil ? […]

[…] Nous avons bien sûr envisagé qu’il ait pu la tuer mais les éléments qui nous ont été communiqués par les autorités ne confirment pas cette hypothèse. La dernière journée connue d’Olivia à Buenos Aires s’est déroulée comme il l’a décrite, même si elle recèle évidemment bien des zones d’ombre. Tout comme est vrai le récit des recherches qu’il a menées sur place. […]


[…]Il n’est au fond qu’un petit fonctionnaire, sans relief [...]


[…]Qu’a-t-il trouvé ? Que cherche-t-il ? Il parle de son palais de mémoire, de son palais de savoir, labyrinthique, à l’architecture complexe. Que veut-il dire ? Ce qu’on peut en percevoir n’en est que l’apparence, ajoute-t-il comme s’il s’agissait d’une évidence. Un peu comme un musée dont on ne voit que les tableaux sous les cimaises, mais des tableaux qui sont en réalité autant de portes d’accès à des univers inouïs reliés entre eux par mille bifurcations. […]

[…] Il prétend avoir mis au point une technique pour soigner la maladie mentale par immersion dans des univers en 3D. Selon lui, il ne s’agit pas vraiment de soigner, mais grâce aux technologies issues de la neuro-informatique, d’utiliser la « folie » comme un moyen d’exploration et de connaissance. Un romantique visité par les nouvelles technologies ! […]

[…] Semble un peu préoccupé ces derniers temps. Parle de plus en plus souvent de son palais de savoirs. Il ne s’agit pas seulement de le construire, dit-il, de le bâtir patiemment au fil des jours, fiévreusement, comme une fuite peut-être, mais surtout comme une conquête. […]

[…] Cette entreprise titanesque reste vaine si on est incapable d’investir le palais et d’en franchir le seuil au bon moment. […]


[...]Où se trouve exactement ce point d’entrée qui semble à la fois, dans son esprit, désigner un lieu et un moment ?[...]

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