samedi 15 mai 2010

Le Juif errant à La Salpétrière

Il existe un type particulier de malade, qui va de cliniques en cliniques, traverse parfois des pays entiers dans l’espoir toujours déçu de trouver enfin le remède à son mal. Il se présente souvent aux urgences dans le plus complet dénuement, épuisé et amaigri. Il trouve cependant la force de raconter son mal et ses souffrances dans les moindres détails, avec méticulosité et enthousiasme.

Il y trouve un certain réconfort et éprouve même une sorte de fierté à être capable d’une telle analyse.

Mais son mal est trop subtil pour être appréhendé par les diagnostics grossiers de ses contemporains, trop profond pour donner prise aux médications, même d’avant-garde.

Il a été attiré dans cette clinique ou cet hôpital par la renommée d’un médecin ou par une nouvelle thérapeutique mais très vite il se rend compte que le médecin ne le comprend pas, que le médicament révolutionnaire ne l’apaise pas. Alors, de guerre lasse ou ayant eu vent d’une autre nouveauté, il repart pour une nouvelle errance qui le conduira probablement vers un autre établissement de soins.

Il est le cousin pas si éloigné du voyageur frénétique, de ce fugueur invétéré frappé de dromomanie qui, lui, ne cherche pas à décrire son mal mais s’enfuit régulièrement pour vivre parfois les aventures les plus invraisemblables, tel ce Jean-Albert Dadas, un Bordelais employé de la compagnie du gaz dont on a raconté qu’il lui suffisait parfois d’entendre le nom d’un lieu pour s’y rendre, aussi éloigné fût-il. Il s’est ainsi retrouvé arrêté à Moscou, confondu avec un nihiliste connu, puis expulsé en Turquie.

Lui et ses pareils ont permis à un médecin de la fin du 19eme siècle, Philippe Tissié, d’inventer une nouvelle maladie mentale, le voyage pathologique, qui a cependant disparu très vite en tant que diagnostic autonome.

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