mardi 11 mai 2010

Huitième visite du professeur Falgout


« - Si nous revenions maintenant plus précisément à ce qui vous a amené ici ?

- Vous savez bien que je suis ici pour poursuivre plus tranquillement mes recherches. Pour le reste, j’ai dit l’essentiel, il me semble.

- L’essentiel…je crois que vous m’avez en réalité caché beaucoup de choses. Livrez-vous plus volontiers vos secrets à ce petit ordinateur portable sur lequel vous passez beaucoup de temps à pianoter ? Y avez-vous caché les plans de votre palais de savoirs ?

Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire.

- Croyez-vous donc que je vais aussi facilement vous livrer le travail de toute une vie ? Du reste, qu’en feriez-vous ? Il ne suffit pas d’avoir découvert un trésor, encore faut-il en avoir l’usage !

- Est-ce cela que vous êtes venu chercher ici ? La meilleure manière d’utiliser …un savoir-faire que vous auriez mis au point ?

- Bah, je dirais plutôt une impulsion…oui, c’est plutôt une impulsion que je suis venu chercher ici, la force de franchir le seuil de l’édifice que j’ai mis si longtemps à imaginer puis à construire.

- Qu’allez-vous chercher derrière ce seuil ? N’êtes-vous pas en train tout simplement de fuir ? de vous détourner de la réalité ?

- Sans doute, d’une certaine manière. Mais c’est surtout une exploration qui va commencer, le début d’une enquête, la recherche d’indices… Ce n’est pas un refuge que j’ai bâti, c’est plutôt un grand vaisseau qui va me permettre de voyager jusqu’aux confins.


Voyez-vous, j’en connais tous les recoins puisque j’en suis l’architecte et le bâtisseur, il ne peut receler aucun mystère pour moi. Et cependant, une fois son seuil franchi, je suis persuadé que ses allées et ses corridors vont me conduire vers quelque chose que je n’y ai jamais placé au départ. Ce quelque chose est pour ainsi dire la résultante de tout l’édifice, ou plutôt je devrais dire « sera », car ce quelque chose n’existe pas tant que je n’ai pas franchi le seuil de l’édifice.


- Tout ça est bien mystérieux…Luis Alcevedo aurait peut-être pu nous éclairer. .. Ne l’avez-vous pas rencontré finalement ?

Vous ne m'en voudrez pas si j'ai pris quelques renseignements, cela fait aussi partie de mon travail; j’ai découvert que les deux dernières années ayant précédé votre arrivée dans ce service, n’ont pas seulement été marquées par une abondante publication d’articles où vous développiez, quitte à vous aliéner un nombre croissant de chercheurs qui vous tenaient de plus en plus pour un farfelu, des théories d’avant-garde sur les relations entre cerveau et ordinateur. Vous avez aussi voyagé, vous êtes allé aux Etats-Unis quelques mois. Je ne serais pas étonné que vous l’ayez enfin rencontré, lui ou son incarnation.

- Eh..qui sait ! Je ne vous cache pas que je ne serais pas parvenu là où j’en suis sans avoir eu tout de même un peu de chance…

En vérité, il m’en faudra encore un petit peu, de la chance… mais je sens, cher professeur, que je suis tout proche de la solution, que je vais trouver, que je tourne autour …

En attendant, voyez, je me distrais un peu en cherchant l’inspiration chez Antonio Pigafetta et la relation qu’il a faite du voyage de Magellan…

- Je vous souhaite un aussi glorieux destin …


Falgout esquisse un mouvement pour prendre congé.


- Dites-moi, professeur Falgout, que fait un homme lorsqu’il rencontre un monstre ?

- Bah, je suppose qu’il le combat.

- Non, il chante…il chante, professeur… et parfois aussi, il le sème dans les bifurcations de son palais de savoirs… »

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