dimanche 28 février 2010

L'île noire



Quand Teddy Daniels accoste par un jour de tempête sur Shutter Island, c'est pour enquêter sur la disparition d'une malade détenue dans une forteresse-prison où sont parqués des fous criminels.
Le problème, c'est que l'intéressé n'enquête sur rien: il est lui-même malade et les médecins ont imaginé un scénario, un jeu de rôles qui implique le personnel soignant, les gardiens et certains patients et qui est destiné à l'aider à s'extraire du labyrinthe de sa psychose.
L'enjeu n'est pas anodin car en cas d'échec, il sera lobotomisé, technique barbare assimilée dans le film de Scorsese aux pratiques des médecins nazis mais qui était à l'époque, en 1954, encore répandue et selon des modalités assez bien décrites dans cette fiction.
Celle-ci, fidèle adaptation du roman de Dennis Lehane, constitue d'ailleurs un assez bon document sur cette période charnière de la psychiatrie; c'est en effet à cette époque que les premiers neuroleptiques et anti-psychotiques ont été mis sur le marché. Le film évoque la chlorpromazine, mise au point en France en 1952 et commercialisée sous le nom de Largactyl, il souligne aussi ses effets secondaires et met en parallèle le scandale, encore méconnu aujourd'hui, des prescriptions abusives de neuroleptiques avec celui de la lobotomie. Il suggère que la seule voie thérapeutique possible, celle qui sollicite les forces intérieures du malade, reste à inventer.
Ce qui restera probablement de ce film, c'est l'île grandiose et crépusculaire, balayée par la tempête, les murs de sa forteresse qui suintent l'angoisse, ses falaises vertigineuses, un univers riche en symboles qui parle très fort à l'inconscient du spectateur, renvoie à d'autres îles, île mystérieuse, île du Docteur Moreau, île noire d'Hergé...
Mes lecteurs, nombreux et inspirés, auront à coeur d'enrichir mon imaginaire par d'autres références!

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