mercredi 10 février 2010

Insomnie

Encore une nuit sans fermer l’œil, que j’ai tenté d’agrémenter par la lecture d’un de ces innombrables essais sur la plasticité cérébrale maintenant à la mode et qui révèlent surtout l’ignorance et la prétention de leurs auteurs. Mauvaise humeur assurée en ce début de matinée d’autant que le froid et la neige sont à nouveau au rendez-vous. Après le petit-déjeuner, je m’attarde au milieu des pensionnaires encore ensommeillés et sous l’effet de leur apaisante médication , conscient que ma présence permanente parmi eux les amène à me considérer comme un des leurs. Laureline me dévisage avec une ironique curiosité avant de m’avouer qu’elle apprend par cœur des symphonies pour occuper ses propres insomnies.
Je déambule une bonne partie de la journée dans les couloirs, conversant et plaisantant avec la plupart des malades, médecins ou aides-soignants qui hantent ces lieux.
En fin d’après-midi, je croise Evelyne Sudreau qui vient de terminer ses consultations. La jolie brune, tout sourire, m’attire jusque dans son bureau, logé au fond du principal corridor qui traverse le bâtiment. On y croise le portrait moisi de l’illustre Pinel, l’homme qui a réformé ces lieux mêmes, qui a délivré les aliénés de leurs chaînes pour les livrer pour des siècles à la médecine. J’écoute Evelyne se plaindre à nouveau de Falgout, regretter son absence de curiosité intellectuelle et son manque d’initiative. Plutôt qu’assumer son rôle de soignant, il préfère jouer les garde-chiourmes avec les malades, se préoccupant parfois de savoir s’ils fument en cachette dans les toilettes ou bien édictant des règlements pour le respect des horaires. Il craint tant qu’un passage à l’acte puisse entacher sa carrière que lorsqu’il accorde une sortie de week-end à un malade, il omet volontiers de signer l’autorisation, ce qui contraint Evelyne à le faire à sa place.
Dans l’intimité de son bureau, je lui susurre à l’oreille des inepties qui la font rougir, la jeune femme se défend peu d’un rituel déjà rôdé, elle me laisse bientôt manger ses seins redressés et m’emparer d’elle comme d’une rustique beauté.
Dehors la neige tombe encore. Pourtant ce temps, ce lieu, les mots, le sommeil ou l’insomnie n’ont plus aucun sens.

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