vendredi 15 janvier 2010

Visite du professeur Falgout

[Comme ce sera toujours le cas par la suite, les noms des protagonistes ont été modifiés]


Aujourd'hui, une fois le petit-déjeuner ingurgité, j'ai reçu à sa demande le professeur Falgout, neuro-psychiatre de renom toujours avide de précisions et détails sur ce que je peux lui apprendre. C'est un sot, imbu de lui-même, qui n'y comprend goutte mais écoute à ravir. Il surgit vers 9h30, blouse immaculée et épais dossier marron sous le bras, suivi comme d'habitude de quelques-unes de ses adjointes, en général jeunes et jolies, aujourd'hui au nombre de trois parmi lesquelles je reconnais le docteur Sudreau, pimpante brunette qui me consent un sourire. Comme d'habitude elles ne piperont mot durant tout l'entretien.
"Comment allez-vous aujourd'hui cher ami? "
Sa poignée de main faussement chaleureuse atténue à peine la condescendance du ton.
- Ma foi, je n'ai à nouveau pas fermé l'oeil de la nuit
- Allons bon, encore une insomnie complète?
- Non, je ne suis heureusement plus dans cet état, je vais certainement récupérer la nuit prochaine.
Il s'assied, déploie son dossier et commence à griffonner.
- Si nous reprenions depuis le début, j'aimerais mieux comprendre comment vous êtes parvenu à cette...découverte.
Je l'interromps aussitôt, agacé:
- Il me semble que nous avons déjà parlé du processus dans son ensemble, je croyais que vous veniez pour me demander de préciser un point particulier.
- Pour vous tout a commencé vers dix-huit ans n'est-ce pas?
- Oui, une longue période pendant laquelle j'étais freiné dans mes efforts intellectuels, mes études, je ne savais quel chemin emprunter. Cela a dégénéré un beau matin dans une vraie pulsion suicidaire.
- Comment s'est manifestée cette "pulsion"?
- Cela n'a duré qu'une seconde, j'ai eu envie de sauter par la fenêtre alors que j'étais encore couché, au fond de mon lit. C'était ridicule, même si j'avais sauté, je n'aurais pu que me blesser, la fenêtre n'était qu'à huit mètres du sol. Mais la terreur de cette soudaine pulsion m'a poussé immédiatement à alerter l'entourage.
- Qu'en est-il résulté?
- Hospitalisation, plusieurs semaines de torture mentale entre dépression et moments plus exaltés en réaction probable à ces moments de dépression.
- Et puis?
- Et puis plus rien, j'ai envoyé paître les médecins, préférant trouver mes propres solutions.
- C'est alors que vous avez rencontré cette jeune femme, cette... Olivia.
- Une étudiante en médecine originaire de Vérone, musicienne et qui connaissait six langues. Elle avait beaucoup voyagé grâce à ses parents et cela avait probablement favorisé chez elle une grande ouverture d'esprit.
- Elle vous a initié...
- à beaucoup de choses mais elle a surtout éveillé ma curiosité pour ce que nous appelons aujourd'hui les neurosciences. Je me destinais plutôt à l'origine au droit du travail et cette rencontre a fait bifurquer mes choix.
Falgout tient encore à éclaircir certains épisodes de ma jeunesse puis consent enfin à se lever et, suivi de ses "Falgout girls" comme nous nous amusons à les désigner entre nous, quitte prestement mes appartements non sans avoir promis de revenir rapidement.
Je me plonge aussitôt dans mes lectures, à peine dérangé par les annonces sonores de la gare d'Austerlitz toute proche, espérant bien y consacrer toute la journée.

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