lundi 18 janvier 2010

L'homme de pierre

Dans Le Monde, l'historien américain Tony Judt, 62 ans, décrit la maladie de Charcot dont il souffre. Il s'agit d'une maladie neurologique qui s'explique par une anomalie des neurones qui commandent les mouvements. Quand le cerveau donne l'ordre à un muscle de se contracter, le motoneurone ou neurone intermédiaire situé dans la moelle épinière est incapable de relayer cet ordre. Le muscle qui n'est plus sollicité perd peu à peu de sa taille et c'est la paralysie progressive des bras et des jambes.
Prisonnier de son corps pétrifié, Tony Judt a dû développer des stratagèmes pour simplement parvenir à s'endormir:

La solution que j'ai trouvée consiste à faire défiler mentalement ma vie, mes pensées, mes fantasmes, mes souvenirs, mes faux souvenirs et autres, jusqu'à ce que je tombe par hasard sur des évènements, des gens ou des récits dont je peux me servir pour détourner mon esprit du corps dans lequel il est enfermé. Ces exercices mentaux doivent être assez intéressants pour captiver mon attention et me faire oublier une démangeaison insupportable à l'intérieur d'une oreille ou au bas des reins. Mais ils doivent être également assez ennuyeux et prévisibles pour servir de prélude et d'incitation efficace au sommeil.[...]
Je suppose que je devrais au moins trouver un semblant de satisfaction dans le fait d'avoir découvert en moi-même le genre de mécanisme de survie dont la plupart des gens n'entendent parler que dans les récits de survivants de catastrophes naturelles ou de cellules d'isolement. [...] Grâce à mon incapacité à prendre des notes ou à en préparer, ma mémoire s'est considérablement améliorée avec l'aide de techniques adaptées. [...] Il n'y a aucune grâce salvatrice à être confiné dans un corset d'acier, froid et implacable. Mes nuits sont captivantes; mais je pourrais m'en passer.(cité dans Le Monde du 17 01 2010)

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